Les jeux de rôle massivement multi-joueurs

L'expression "jeu de rôle massivement multi-joueurs" (en abrégé JdRMM) se présente comme une traduction de l'expression anglaise "massively multiplayer online role playing game" (en abrégé MMORPG).
Les termes laissent penser que le genre n'est constitué que de JdR vidéo classiques auxquels on aurait ajouté la possibilité d'accueillir un très grand nombre de joueurs en simultané. Ce n'est pas tout à fait exact : les JdR vidéos jouables en solo peuvent souvent être aussi joués par un petit groupe de joueurs en coopération, mais ils ne se prêtent pas au jeu massivement multi-joueur. Les bases des JdR vidéos et des JdRMM sont différentes. Les jeux de rôle vidéos classiques étaient des tentatives (maladroites) de transposer le jeu de rôle papier sur support informatique avec l'ordinateur qui tenait le rôle de Maître de Jeu. Au contraire, les JdRMM trouvent leur origine dans les possibilités de communication crées par la mise en réseau d'ordinateurs.

Que ce soit pour les courriers électroniques (e-mails), les forums de discussion, ou les canaux IRC ( "chat" ), l'usage est de ne pas signer de son vrai nom, mais au moyen d'un pseudonyme. Ce pseudonyme joue alors comme un masque derrière lequel la personne se dissimule. Ce n'est plus Robert A. qui parle mais C@simir, plus Brigitte B. mais L@la. Au fond, Internet est un immense bal masqué où chacun joue déja un rôle.
Mais tout cela ne permet que la communication entre ces personnages, et non leur interaction. Si, sur un canal IRC, L@la écrit qu'elle met un coup de poing à C@simir, c'est un message comme un autre : il ne se passe rien de spécial. Maintenant, si ce fait est géré par un ordinateur qui considère que C@simir est alors K.O. et ne peut plus parler, on a un début de JdRMM.

Un peu d'histoire...

MUD

En 1979, à l'Université d'Essex en Angleterre, Roy Trubshaw écrit ce qui va être l'ancêtre des JdRMM. Le jeu n'est au départ qu'une interface texte qui permet à plusieurs utilisateurs de se déplacer dans quelques pièces virtuelles. Le programme est nommé MUD (Multi-User Dungeon). Le principe est des plus rudimentaires : plusieurs personnes peuvent se connecter en même temps, dialoguer entre elles au moyen d'un système de dialogues très simple, se déplacer entre 20 pièces différentes et interagir entre elle et avec une base de données d'objets au moyen de 10 commandes, le tout entièrement géré par une interface texte. Après le départ de Trubshaw, le programme est repris par Richard Bartle qui en améliore les possibilités, intègre la gestion des scores, améliore les modes de communication et d'interaction et agrandit le monde à... 400 pièces.
Dit comme ça, le jeu semble assez minable. Et pourtant, lorsque l'Université d'Essex se trouve reliée à Arpanet (l'ancêtre d'Internet) en 1980, il faut limiter le temps d'accès car le serveur n'arrive plus à gérer la demande. Le succès est tel, que le nom du jeu devient un genre à part entière : de nombreux clones vont fleurir sur les réseaux des universités, qui seront considérés comme étants des MUD.
MUD est un univers virtuel : le monde est petit mais rien n'est suggéré et tout peut-être exploré (les 10 pièces sont la totalité du monde), le monde ne prend jamais fin (car son existence n'est pas liée à un scénario), les joueurs ne sont pas des héros aux milieux de gens ordinaires mais interagissent avec les personnages d'autres joueurs qui (au moins au départ) sont leur égal. Certes, il n'y a pas grand chose à faire, et MUD tient plus de Loft Story que des Terres du Milieu. Peu importe : aussi limité soit-il, le jeu ne propose plus une histoire comme dans les JdR classiques mais un monde permanent où évoluer.

Meridian 59

Au début de l'année 1996, apparaît Meridian 59. Par sa conception générale, le jeu se rattache encore aux MUDs, mais avec deux nouveautés importantes. Tout d'abord, le jeu possède une interface graphique, et affiche ce que voit le joueur à la manière de DOOM, même si les graphismes sont déja d'une qualité dépassée à l'époque. Ensuite, le jeu se joue sur le réseau des réseaux (Internet) : chaque serveur peut acceuillir jusqu'à 150 joueurs en simultané. Enfin, le monde comprend 5 villes et 60 régions à explorer. Il s'agit donc du premier jeu de rôle online avec une interface graphique.
Pourtant, on ne peut pas vraiment dire que le succès est au rendez-vous : le jeu va subir de plein fouet la concurrence d'Ultima Online qui sort peu après. Ce dernier est plus vaste, plus réussi et surtout moins cher à jouer.

Ultima Online

En 1997, avec la sortie de Ultima Online, on peut considérer qu'on passe des MUD aux JdRMM. Le jeu est en 3D isométrique et s'inscrit dans un univers immense, par la géographie (le Britannia de UO est le plus vaste de la série des Ultima) et par le nombre de joueurs connectés (qui peuvent être plusieurs milliers en simultané ).
Surtout, le jeu essaye de créer un véritable univers virtuel. Un embryon d'économie est mis en place : vous pouvez essayer de tailler quelques bûches dans des troncs d'arbres, puis essayer de fabriquer des meubles en utilisant un outil sur ces bûches, enfin vendre vos créations à un charpentier pour pouvoir s'acheter sa propre maison à force d'économies ... Un embryon de politique est également mis en place : des bénévoles jouent le rôle d'animateurs, un système de réputation prend en compte les actions des joueurs, enfin tout un système se met en place avec les relations entre guildes de joueurs.
Autre point fort du jeu : la possibilité de personnaliser son personnage, ce qui est souhaitable pour pouvoir le distinguer au milieu des milliers d'autres. La personnalisation est graphique avec notamment la possibilité de choisir ses vêtements, la couleur de peau ou de cheveux, etc ... Elle est également présente dans le système de progression qui se fait par choix de compétences en dehors d'un système rigide de classes.
Le succès du jeu est énorme, et la manne générée par les abonnements mensuels va très vite intéresser d'autres éditeurs.

Everquest et Asheron's Call

Février 1999 voit la sortie de EverQuest. Il s'impose immédiatement par sa réalisation : le jeu est entièrement en 3D temps réel avec une vue subjective (on voit par les yeux de son personnage) ce qui renforce le sentiment d'immersion. De plus, l'univers est plus immédiatement familier car il s'inspire librement de l'univers classique médiéval-fantastique et de Donjons & Dragons : on peut ainsi arpenter les cavernes des nains ou les villages suspendus des elfes.
En revanche, Everquest marque un pas en arrière pour la richesse du jeu, qui est orienté vers la progression du personnage par les combats.
La seule réelle innovation est le système de factions évolutives : l'univers comprend plus d'une centaine de groupes de personnages non-joueurs, alliés ou ennemis entre eux, qui considèrent le personnage d'une façon différente, avec chacun des quêtes liées. Le système de progression est également plus simple, puisqu'il utilise un système rigide de classes. Enfin, à cause des abus rencontrés dans les jeux précédents, le combat entre joueurs est en principe impossible. Au contraire, le jeu cherche à développer la coopération entre joueurs contre l'environnement (par exemple, un dragon ne peut être vaincu que par plusieurs dizaines de joueurs).
Le jeu est jusqu'à présent le JdRMM avec le plus fort succès (si on met à part Lineage, plus spécifique au marché coréen) : 350.000 abonnés qui rapportent à Sony quelques 36 millions de dollars par an.
A la fin de l'année 1999, c'est au tour de Microsoft de sortir son projet : Asheron's Call. Le jeu reprend les bases posées par ses prédécesseurs (univers en 3D temps réel, importance du combat entre joueurs, progression libre du personnage avec un vaste choix de compétences) en ajoutant des innovations (système de combat, magie qui devient moins puissante en se diffusant, système de guilde où les suzerains gagnent une portion d'expérience des vassaux, etc). Mais le gros point fort reste le monde évolutif, alors que les autres demeuraient statiques ou se voyaient simplement adjoindre de nouvelles zones. L'évolution n'est certes pas le fait de joueurs individuels, mais suite à de grosses animations mensuelles organisées par l'éditeur, le monde évolue physiquement (des zones sont en partie modifiées) et une histoire générale du monde progresse.

En France, pendant ce temps

C'est bien connu, en France on aime bien ne pas faire comme les autres, pour le meilleur comme pour le pire. Ici, c'est plutôt pour le pire. Tous les jeux précédents reposaient sur des univers fantastiques et féeriques ; au contraire, le premier projet français d'envergure repose sur une idée lumineuse : les gens vont s'évader dans la réalité, plus exactement une copie mal foutue des grands axes de Paris, le Deuxième Monde. Les maisons ressemblent à des boîtes à chaussure, les personnages à des bibendums Michelin, et le tout est plus lourd qu'un simple canal IRC : la tentative n'a pas le succès espéré et aboutit au divorce entre Cryo et Canal+.
Pas refroidi pour autant, Cryo enchaîne sur un projet encore plus mégalomane : Mankind. Le premier jeu à programmer soi-même, avec une version alpha mise en vente (pour devenir bêta un an après sa sortie) et des promesses que "le prochain patch va tout arranger". Accessoirement, ce devait être un gigantesque jeu de stratégie dans l'espace.
Le salut viendra du Canada où Vircom développe un jeu, dont GOA va acquérir la license. La version française deviendra la Quatrième prophétie. Le jeu n'a pas la richesse et l'étendue du monde d'Ultima, pas plus qu'il ne rivalise techniquement avec Everquest dont il est contemporain. Néanmoins, il possède deux atouts essentiels qui vont assurer son énorme succès, puisqu'il est devenu le JdR online le plus joué par les francophones. Tout d'abord, la version proposée par Goa est entièrement traduite et permet de retrouver une communauté exclusivement francophone. Ensuite, le jeu est proposé gratuitement en téléchargement et jouable sans abonnement.

Et le présent

Il est délicat de parler de l'actuel avec recul. On peut néanmoins mentionner les sorties récentes de Dark Age of Camelot et de Anarchy Online.
On regrettera, peut-être, que ces jeux ne présentent plus de renouveau du genre mais se contentent de gérer l'héritage Everquest en innovant par rapport à lui et en essayant d'améliorer ses plus gros défauts. On regrettra également que ce soit Everquest et non Ultima qui soit pris comme référence : ces jeux sont fortement axés sur les combats et on est loin des promesses de l'univers d'Ultima où un personnage pouvait devenir artisan ou commerçant. Mais cela n'enlève rien à leurs qualités, puisqu'ils restent actuellement les deux plus aboutis. En attendant de pouvoir essayer, les futurs Shadowbane et Horizons.

Les caractéristiques du genre

L'aspect massivement multi-joueurs

C'est tout le charme des JdRMM, en comparaison des JdR vidéos classiques où on est seul avec l'ordinateur. La plupart des personnes rencontrées dans l'univers de jeu sont jouées par des personnes de chair et de sang, ce qui rend leurs comportements beaucoup plus riches et intéressants. Si vous êtes perdu dans un JdR classique, il faudra vous débrouillez, et n'espérez pas que les passants vous indiquent le chemin si l'ordinateur n'a pas été programmé pour ça. Dans un JdRMM, il suffit de demander sa route au premier personnage joueur venu. De même, la route jusqu'à la ville voisine est infestée de brigands : dans un JdR classique, vous attendez d'être capable de voyager sans trop de soucis ou vous priez très fort ; dans un JdRMM, vous pouvez toujours demander à une âme charitable de vous escorter. La femme assise dans un coin de la taverne est particulièrement séduisante : si rien n'est prévu, elle restera éternellement insensible à toutes vos tentatives dans un JdR vidéo normal ; dans un JdRMM vous aurez peut-être une gifle ou un sourire.
Mais cela va bien au-delà de l'interaction plus riche qu'avec des personnages gérés par un ordinateur. Ces types de jeux servent de lieux virtuels de rencontre et sont à la base de la création de véritables communautés : familles imaginaires entre personnages, regroupement par guildes, communauté linguistique ou d'un même serveur, etc... Sur ces mondes virtuels se développent une importante forme de vie sociale : alliances, trahisons, réconciliations, guerres, mariages.
Plus la communauté à laquelle on souhaite s'intégrer est de taille importante, et plus le temps à consacrer (pour y être reconnu comme on souhaite l'être) doit être important : la vie de famille ou d'association, même virtuelles, demande du temps. Un joueur consacre, en moyenne, trente heures par semaine à Everquest, et vingt-cinq à Ultima Online ou Asheron's Call. Cet important investissement en temps nécessaire pour goûter le genre joue alors souvent comme un repoussoir auprès du grand public : les JdRMM touchent moins de 5% des personnes qui achètent des jeux vidéos.
Par contre, le JdRMM a les inconvénients qui vont avec ses avantages, car le grand nombre de joueurs avec qui interagir peut aussi être la source de nuisances absentes du JdR vidéo solo : insultes verbales, attaque de son personnage par un autre bien plus puissant sans motifs, triche, polémiques gratuites, etc... Sans compter que les zones d'aventures, désertes de personnages non joueur (car dangereuses) dans un JdR vidéo solo, sont bien souvent bondées dans un JdRMM car tous les joueurs souhaitent pouvoir y faire fortune ou acquérir la gloire, et les donjons ressemblent alors parfois à une station de métro.

La gestion des personnages

Parceque les JdRMM mettent en relation jusqu'à plusieurs milliers de personnages, les joueurs éprouvent le besoin de distinguer leur avatar de celui des autres : aussi, la personnalisation des personnages y est en général plus poussée que dans les JdR vidéos classiques. Au milieu de la foule, personne ne souhaite être anonyme, donc le jeu doit permettre de rendre son personnage différent de celui des autres.
La personnalisation doit-être d'abord être graphique et doit permettre la satisfaction du besoin d'estime par les autres. Aussi, il est désormais courant de pouvoir choisir certains attributs dans cette liste : le visage, la couleur de peau et des cheveux, la taille, l'aspect racial, le sexe, sans compter les possibilités de personnalisation résultant du vêtement porté (qui peuvent même parfois être teintés au choix du joueur). Il est aussi fréquent de pouvoir faire exprimer quelques attitudes gestuelles à son personnage : saluer, s'assoir, danser, etc. Enfin, vu que chacun essaye de donner la meilleure image de lui-même, on constate dans les choix possibles, une prédominance d'avatars stéréotypés : sexy (pour les personnages féminins), exprimant la force physique et la vaillance (pour les guerriers mâles) ou le savoir et la puissance (pour les mages et sorciers). Quant aux personnages exprimant des qualités inverses, moins à l'honneur, ils permettent d'exprimer une auto-dérision et son sens de l'humour.
Enfin, (presque ?) tous les JdRMM comprennent un système de progression du personnage. Cette progression passe autant par la récolte de points d'expérience qui augmentent le niveau du personnage et lui donne de nouveaux pouvoirs, que par l'acquisition d'un matériel plus performant. Dans le JdR papier, les systèmes de progression du personnage n'ont rien d'essentiel : jouer un rôle n'implique pas forcément de jouer le rôle d'une personne qui se perfectionne, et certains JdR papier se passent de l'expérience. Au contraire, cet aspect est fondamental dans les JdRMM. Pour le joueur, il permet de satisfaire le besoin de réalisation de soi, même si cette progression virtuelle est faite ici à bien peu de frais, en recevant des récompenses progressives pour ses actions. Vu que le JdRMM ne contient pas de scénario dans lequel on avance, la progression de la puissance du personnage devient capitale, car c'est la seule chose qui donne l'impression de progresser. Pour l'éditeur, il s'agit souvent d'un moyen facile pour allonger artificiellement la durée du jeu, et donc percevoir plus longtemps son abonnement mensuel (tous les JdRMM ne sont pas actuellement payants, mais nombre de ceux qui sont gratuits furent néanmoins conçus pour être payants). Cette logique conduit souvent à des situations aberrantes : à force de rejouter des niveaux à franchir et des nouveaux objets, le monde en devient totalement incohérent avec des milliers de personnages de haut-niveau aussi puissants que des demi-dieux. Et entre le niveau 1 et le niveau maximum (quand il existe une limite maximum !), il existe souvent un rapport de puissance de 1 à 100.

L'univers permanent

L'expression désigne un univers de jeu qui subsiste alors que le joueur cesse sa partie. Dans le JdR classique, la partie est reprise là où on l'avait laissée, et rien n'a changé entre temps. Au contraire, dans le JdRMM, le monde continue d'évoluer sur le serveur hébergeur, pendant que le joueur est déconnecté : on a un véritable univers parallèle, souvent très vaste, et que le joueur peut explorer à loisir. L'avantage, c'est que chacun peut continuer de joueur, même si un joueur du groupe doit partir (alors que pour un JdR papier, il faudrait interrompre la partie).
L'inconvénient, c'est l'impossibilité pour le joueur d'y mourir. En effet, dans un JdR vidéo classique, la faute peut entraîner la mort de son personnage, ce qui oblige alors à charger une sauvegarde antérieure. Or, toute sauvegarde est impossible sur un JdRMM : si un joueur pouvait reprendre une sauvegarde antérieure, il ramènerait également en arrière les milliers d'autres joueurs du monde. La mort définitive serait la solution la plus cohérente, mais ô combien peu commerciale. A la place, tous les JdRMM ont opté pour un système où le joueur réapparaît, souvent sans son équipement, et avec une pénalité d'expérience. Autrement dit : les personnages deviennent immortels et la mort n'est plus la fin de la vie, mais un simple incident un peu désagréable.
Mais les personnages ne sont pas les seuls immortels, et les monstres le sont bien souvent également. Supposons qu'une personne jouant un puissant sorcier décide de massacrer toutes les créatures et personnages non joueurs de la contrée. Dans un JdR classique, le joueur aura l'air bien malin en se retrouvant tout seul, mais il n'existera pas de raison de faire revenir les personnages morts. Il ne peut en aller de même pour un JdRMM, car dans ce cas, les autres joueurs n'ont plus rien d'autre à faire que discuter entre eux. Aussi, la solution adoptée est alors de faire réapparaître ces créatures. Passe encore pour des créatures d'un certain genre (orques, trolls, bêtes sauvages), encore qu'on comprend mal qu'un joueur ne puisse faire cesser la menace orque sur un village. Mais l'incohérence est encore plus dommageable pour des créatures bien identifiées : un village vous supplie de les débarasser d'un terrible dragon rouge hantant la contrée, vous réussissez, et le voilà qui réapparaît quelques heures après, prêt à se faire étriller par un nouveau groupe de joueurs.
Enfin, il faut noter la difficile réalisation de ce qui était une des promesses d'Ultima : rendre l'univers parallèle le plus fidèle possible au notre, notamment en le dotant d'une économie. La difficulté provient de ce que les pixels des personnages n'ont aucun besoin vital à satisfaire, pas plus qu'il ne leur est nécessaire de travailler pour gagner leur vie. Les créatures sont la principale source de création de monnaie ou d'objets. A chaque trésor sur un monstre, la masse monétaire en circulation augmente. Dans le monde réel, rien ne se perd ni ne se crée, tout se transforme. Dans un JdRMM, à chaque nouveau monstre avec quelques pièces d'or dans la poche, il y a création de nouvelles richesses. Les objets crées s'accumulent et ne isparaissent jamais, ni n'ont besoin d'être remplacés. A terme, on voit des objets magiques abandonnés à même le sol, parceque devenus sans valeur, alors même qu'au début du jeu ils étaient encore considérés comme très puissants.

L'introuvable scénario

Les JdR vidéos classiques tournent le plus souvent autour d'un scénario, ce qui implique que le jeu a un début, mais surtout une fin. Les JdRMM axés sur des mondes permanents, n'ont eux pas de fin. C'est simplement le joueur qui un jour se lasse du jeu qui l'a amusé jusque là, et cesse de s'y connecter. Mais justement si les mondes des JdRMM n'ont pas de fin, il est bien délicat de proposer à tous des histoires qui captivent constamment. Ces mondes sont souvent dotés d'un très riche background, invitation à l'imaginaire du joueur. Par contre, il est très délicat d'y faire tenir un vrai scénario. Si la force des JdRMM est la possibilité d'interagir avec un très grand nombre de joueurs, la force des JdR classiques reste le scénario.
Une histoire extra-ordinaire, c'est une histoire qui sort de l'ordinaire justement, qui vous place en position de héros. Cela est très facile pour un JdR vidéo classique, puisque les personnages gérés par l'ordinateur se fichent de n'être que des figurants ou des faire-valoir. Mais sur un JdRMM, personne n'a envie de jouer un rôle de valet de ferme, et tout le monde aspire à être un héros. Tout le monde est sur un pied d'égalité au départ, et tous peuvent rendre leur personnage puissant à condition d'y consacrer le temps nécessaire. Au final, il n'y a rien que vous fassiez qui ne puisse être fait également par mille autres personnes : et la chasse au dragon rouge devient un fait banal, on se bouscule même tellement pour le chasser qu'il faut prendre un ticket dans la file d'attente. Parce que tout le monde est un héros, il n'y a plus de vrai héros.
Ensuite, dans le JdR vidéo classique, c'est souvent l'aventure qui vient vous chercher : par exemple, dans Baldur's Gate, c'est Sarevok qui vient vous chercher des noises d'entrée de jeu, ce qui donne dès le départ un but à atteindre (comprendre son action, le retrouver, le faire cesser de nuire). Au contraire, le JdRMM est comme le monde réel : il offre une infinité de possibilités sans procurer clairement de but (annonce personnelle : d'ailleurs, si quelqu'un connaît le sens de la vie sur cette terre, je suis preneur ^_^ [NDT: Contacter Caepolla]). La liberté offerte est grisante, mais l'absence de scénario impliquant clairement le joueur peut aussi ennuyer. Le MJ est toujours présent lors de la partie de JdR papier, ce qui permet de toujours adapter son histoire et impliquer au mieux tous les joueurs. Faute de temps et d'animateurs, les JdRMM ne peuvent connaître que des 'events' ou des 'animations', des évenements ponctuels, et ceux-ci sont souvent destinés à de larges groupes de joueurs. L'organisation de scénario complexe à destination d'un tout petit groupe de joueurs et s'étalant sur plusieurs heures de jeu est bien improbable. Comment recréer un scénario comme celui de Baldur's Gate, par exemple, sur un JdRMM ? L'impossibilité de sauvegarde oblige à faire des animations de quelques heures maximum, et plus le nombre de personnes impliqué grandit, moins chaque intervenant sent que le sort final dépend de lui. Sans compter que les rares Maîtres sont souvent accaparés à régler les problèmes de bug rencontrés par les joueurs, guider les débutants ou effectuer la police.
Enfin, pas question d'un scénario qui pourrait avoir des répercussions sur les autres. L'idée de mettre un hobbit en possession d'un anneau, qu'un certain Sauron chercherait à récupérer peut-être tentante : le hobbit devrait réussir à détruire l'anneau dans un volcan sinon ... Dans un JdR papier, les personnages non joueurs ne vont pas se plaindre de l'échec du hobbit en question, mais peu de joueurs d'un JdRMM supporteraient devoir arrêter de jouer à cause de l'échec d'un seul.

Conclusion : les JdRMM, des jeux de rôle ?

Le genre a ses avantages et ses inconvénients (et il faut distinguer entre ceux inhérents au genre et ceux qui sont le résultat de choix commerciaux de l'éditeur) : il plaira à certains et déplaira à d'autres, c'est affaire de goût. Mais, il est souvent décrié comme n'étant pas un véritable jeu de rôle, jeu pour "gros bills" (ou toute autre qualification méprisante visant à disqualifier les goûts de l'autre). Evidemment, une partie sur n'importe quel JdRMM ne ressemble en rien à une partie de JdR entre amis autour d'une table.
Mais on peut nier que dans tout JdRMM, chacun joue bien un rôle ou personnage qui n'est pas soi. Les rôles proposés par le jeu sont souvent très pauvres en possibilité, car fortement orientés vers les combats. Aussi, nombre de joueurs n'hésitent pas à broder pour donner plus de consistance à leur personnage. Et il n'est pas rare de voir opposer ces deux attitudes, sous le vieux débat "xp" contre "rp". "Xp" désignant ceux qui se limitent au rôle proposé par le jeu, et "Rp" les seconds (alors qu'une telle opposition n'a aucun sens pour le JdR papier). Ces différents rôles juxtaposés produisent un monde incohérent, le déguisement de chacun ne s'accordant pas toujours avec celui des autres : un peu comme un bal masqué où le bagnard cotoie la princesse, le pompier ou le chevalier. Mais chacun tient bien un rôle, même si on ne retrouve pas la cohérence du JdR papier, possible grâce à la présence constante du Maître de jeu et d'un petit nombre de joueurs. Le JdRMM a pour lui les joies des rassemblements d'un très grand nombre de personnes déguisées, comme pour un Carnaval.

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